Laissez moi vous livrer cette analyse qui me semble tout à fait pertinente au regard de situations tant de fois rencontrées dans des entreprises grandes et petites
(Buster)Keaton est attendu là-bas, à la MGM, son contrat est prêt, tout ira bien
(….)On lui promet énormément d’argent, des studios immenses, On lui promet qu’il pourra conserver une partie de son équipe ? On lui accorde un droit de regard sur la mise en scène et le scénario ? Le scénario, s’étonne Buster Keaton. Le scénario, pour lui, ce sont quelques mots qui doivent tenir sur une carte postale. Il faut une bonne idée de départ, ensuite, il faut inventer une bonne fin. Et le milieu se trouve tout seul. C’est ainsi qu’il a fait la plupart de ses films. C’est ainsi qu’il est devenu presque aussi célèbre que Chaplin et Harold Lloyd.
(…) Sur un format carte postale, il note : un type pas très doué s’improvise cameraman.
- Très bien , lui dit Nicholas Schenk (président de la MGM). Maintenant, il faut écrire un scénario
- Où sont les gens de mon équipe ? demande Keaton
- Ils sont là
Ils sont là, à la MGM, mais ils ne sont pas forcément disponibles. On les a affectés sur d’autres films que les siens.
En revanche, des divisions d’insectes s’insinuent partout et se mèlent de tout, en premier lieu du scénario. Un parfum d’apitoiement sur soi et de manichéisme tout à fait étranger à Keaton se glisse dans son histoire. Il parvient cependant à ce que Le Cameraman lui ressemble. Le film est un grand succès
- Vous voyez bien s’apprète t’il à dire espérant regagner un peu d’autonomie
- Tu vois, l’interrompt Nicholas Schenk. C’est la preuve que nous avions raison. Nous sommes sur la bonne voie
Nous sommes sur la bonne voie signifie : il faut que nous intervenions davantage
(…) Le film suivant lui ressemble beaucoup, beaucoup moins. (…) Bientôt Keaton n’y est plus pour rien. (…) On l’affuble de costumes ridicules, on le maquille, on le fait chanter, pleurer, danser ? On lui demande de ne pas parler et on l’afflige d’un partenaire débile, un moulin à paroles qui rit à ses propres blagues.
(…) On lui demande d’être conseiller technique pour un film sur sa propre vie. On réécrit entièrement sa biographie. The Buster Keaton Story raconte qu’il était si pauvre qu’il ne savait pas se servir d’un coureau et d’une fourchette, et qu’à l’apparition du cinéma parlant, il est incapable de dire la moindre ligne de texte sans buter sur un mot. C’est ainsi qu’il s’est mis à boire, ce qui ne l’a pas aidé à mieux articuler et l’a donc rapidement plongé dans la déchéance. (…) c’est Donald O’Connor, le danseur acrobate bondissant de Chantons sous la pluie qui joue (le rôle) de Keaton. O’Connor qui était si heureux, si fier, qui a tan travaillé pour essayer de reproduire le plus fidèlement possible les attitudes, les gestes et les saltos de son hérod, perd chaque jour un peu de son entrain tant le fim est mauvais. Et surtout, il ne comprend pas pourquoi on a embauché Keaton comme conseiller si c’est pour ne tenir compte d’aucune de ses suggestions.
(extraits du livre de Florence Seyvos, Le garçon incassable, éditions de l’Olivier, 2013)
Quel gâchis de compétences, quelle perte de compétitivité, que d'argent perdu !, Ne trouvez-vous pas ?
Heureusement que vous, lecteurs de ce post, savez comment entretenir compétences, motivation, innovation et compétitivité !